Quitter Twitter
2022-06-05 by Tiubuk
Aujourd'hui, je parle de Twitter… Récemment, je discutais avec une amie de son compte Twitter : elle est la seule personne que je connaisse qui en a un et elle l'utilise essentiellement pour faire de la veille numérique professionnelle. C'est-à-dire suivre d'autres comptes et très occasionnellement retweeter des publications. Il n'y a pas vraiment de réseautage, pas d'échanges avec d'autres twittos... Ce qui l'intéresse, c'est la simplicité de Twitter ─ faire défiler, cliquer sur les liens ─ et le fait que "tout le monde y est", en tout cas suffisamment de comptes qui l'intéressent. Faute de temps au moment de notre discussion, j'ai donc mûri ma réflexion jusqu'à l'écriture de cet article à la fois argumentaire et mode d'emploi.
Shitstorm
Selon moi (et d'autres), Twitter est un réseau qui apporte plus de problèmes que de solutions : il est devenu central dans les sphères politiques, les médias, les communicants... Si sa facilité et son apparente simplicité en font un outil de communication prisé, il cristallise aussi les obsessions et les extrémismes : simplification à outrance, complotisme, haine, harcèlement, agressivité, culture du buzz, comportements toxiques, l'oiseau bleu est devenu un outil communautariste à l'odeur de fosse sceptique. Mon point de vue peut sembler assez extrême mais il ne faut pas chercher bien loin des informations sur les polémiques qui entourent Twitter.
Pour rappel, ce truc est privé, n'est pas un service public et cherche à « monétiser son audience », donc à rapporter du fric à la manière très libérale de son pays d'origine, les Etats-Unis d'Amérique. Pour ce faire, on piste les internautes pour vendre leurs profils à qui les veut, et pour que ça passe comme une lettre à la Poste, on les laisse un peu faire ce qu'iels veulent… Donc harceler, attaquer, menacer sont synonyme de liberté d'expression sur Twitter. La modération y est faible, quelques milliers de modérateurs et modératrices pour des millions de twittos. Évidemment, le réseau se défend d'appliquer les lois en vigueur dans les pays où il est présent mais c'est une posture de façade, comme ses compères Facebook, Tik Tok ou Instagram… Quelle confiance accorder à une telle entreprise ?
Tout le monde est peut-être sur Twitter (ça se discute…) mais c'est surtout pour aboyer, s'invectiver et placer des produits. Il y a quelques années, Twitter était défini comme le réseau des communicants, des ados et des politiciens. Je pense que les ados se sont barré·e·s, sur Tik Tok ou d'autres réseaux inconnus des plus de 30 ans… Il ne reste que les pourvoyeurs de merde.
J'entends les dents qui grincent : « mais enfin Tiubuk, tu ne peux pas dire ça, c'est réducteur pour tous les comptes qui valent le coup »… OK, j'exagère un peu, il y aussi des gens intéressants à suivre. Sauf que les suivre alimente l'usage de Twitter et ne motive pas les internautes à aller voir ailleurs où l'herbe est peut-être meilleure… Et donc on continue à laisser ce système pernicieux exister. Le « tout le monde y est » (valable aussi pour Facebook) me gêne profondément parce que ça veut dire qu'on est assujetti aux choix du groupe et pas à son libre arbitre... Il semble que sur Internet, devant un écran, les gens éclairés deviennent bêtes à manger du foin, les yeux pétillants de mirages…
Bon, c'est bien de râler et d'insulter gratuitement mais admettons que vous ayez compris le message asséné avec la finesse d'un hippopotame… Vous décidez de « quitter Twitter » ! Bravo. Je vous donne donc quelques clés pour aller goûter de l'herbe plus verte et plus tendre. Nous allons passer par trois étapes :
- Utiliser Twitter sans Twitter 😱
- Suivre des comptes Twitter sans Twitter 👍
- Oublier Twitter et découvrir Mastodon ✨
Utiliser Twitter sans Twitter
Quand vous vous baladez sur Twitter, vous êtes peut-être agacé·e par ces publications punaisées, les publicités incessantes, les fils non chronologiques… Tout est fait pour garder votre attention, vous inciter à faire défiler encore et encore, ne pas vous lâcher, quitte à vous énerver un peu. Rappelez-vous, on est dans une culture de l'agressivité…
Pourtant, des gens incroyablement dévoués ont réglé une partie de ce problème en créant Nitter, un proxy pour Twitter : c'est une passerelle entre Twitter et vous qui va chercher les messages et vous les propose propres, sans pub, sans pistage, dans sa propre interface. Différentes instances de Nitter existent, celle que j'utilise est administré par l'association 42l.
Suivre des comptes Twitter sans Twitter
Nitter, c'est cool, rapide, léger, sécurisé MAIS si je veux suivre un compte de manière régulière, ce n'est vraiment pas pratique. En effet, Nitter permet uniquement la consultation en mode anonyme : on n'est pas identifié donc on ne peut pas s'abonner à des comptes Twitter. Ce n'est pas son but mais le logiciel propose une option pour contourner cette limitation : la possibilité de suivre un compte Twitter via un flux RSS…
Ho, c'est quoi un flux RSS ?
Sans vous assommer de technique, sachez qu'avant de s'informer sur Facebook 😓, on allait sur des sites… d'informations. Et c'est pour éviter d'aller sur 14 sites différents qu'ont été inventés les flux RSS (Really Simple Syndication) : en gros, via un logiciel, une app, un service adapté, vous recevez directement les nouveaux articles des 14 sites quand ils sont publiés, un peu comme dans une infolettre. Les flux RSS existaient avant les réseaux sociaux, ils sont ouverts, standardisés et très souvent disponibles : après une décennie de Facebook, les médias reviennent à ces bons vieux flux qui offrent une meilleure maîtrise de la circulation de l'information. Du producteur au consommateur en quelque sorte. Ainsi, le petit logo en forme d'onde qu'on voit sur certaines pages, dont Nitter, indique qu'un flux est disponible.
Pour suivre un flux (s'y « abonner »), il faut une application :
- sur ordiphone Android ou /e/OS, je vous recommande Feeder ;
- sur ordinateur Linux, Windows, macOS, certains courrieleurs comme Thunderbird savent gérer les flux RSS mais vous pourrez préférer une application plus moderne comme Fluent Reader. Sachez qu'on peut également synchroniser ses abonnements et lectures entre plusieurs appareils grâce à certains services en ligne mais ce n'est pas l’objet de cet article. Vous êtes désormais prêt à découvrir un nouveau monde dans lequel vous avez le contrôle à la place de Twitter et son gang.
Oublier Twitter et découvrir Mastodon
Twitter n'est certainement pas la panacée en terme de communication positive et radieuse mais il a posé les bases du microblogage qui, comme son nom l'indique, reprend le principe du blog (j'écris ce que je veux, lisez-moi si vous voulez) mais avec une limitation de 280 caractères par tweet. Puisque vous avez décidé de lâcher cet oiseau de mauvais augure, il est temps de voir ce qu'il y a de l'autre côté du miroir : le concurrent le plus sérieux s'appelle Mastodon (et non pas le calamiteux Truth Social dont il est une irrespectueuse dérivation)…
Mastodon revient dans les médias à chaque polémique concernant Twitter et la migration d'utilisateurs et utilisatrices désabusé·e·s qui cherchent un palliatif à Twitter. Dernier exemple en date : le possible de rachat de Twitter par Elon Musk, qui compte en faire un outil de com' libertarien, donc haineux et toxique en des mots plus clair. Mastodon reprend les grands traits de Twitter mais avec des pouets (messages) de 500 caractères : c'est mieux pour développer une pensée moins binaire. Il n'y a pas de pub, pas d'algorithmes qui classent les messages, et moins de comportements répréhensibles, mais je reviendrai sur ce dernier point avant de me faire lyncher par les mastonautes…
Mastodon, un réseau décentralisé
Mastodon fonctionne non comme un site centralisé ─ ce qu'est Twitter : s'il tombe en panne, plus rien de fonctionne ─ mais comme un réseau d'instances (ou serveurs) connectées entre elles. On peut d'inscrire sur l'instance Aquaman et communiquer sans problème avec les gens de l'instance Batman, Catwoman, etc. Vous connaissez ce principe, il existe depuis les années 70 dans le courriel : un message peut partir de la La Poste et arriver chez Gmail. Ca paraît normal, pourtant on ne peut envoyer de message de Facebook vers Twitter ? Chacun veut l'exclusivité des ses utilisateurs et utilisatrices, ce qui occasionne la création des nombreux comptes et les fameuses petites barres d'icônes sociales sur les sites pour vous inciter à suivre les infos sur l'un des nombreux réseaux… L'environnement ne nous dit pas merci de cette foisonnante pollution numérique !
Bref, Mastodon permet de choisir son instance et communiquer avec tous les mastonautes… et même au-delà ! Sur le premier point, le choix de l'instance, sachez que de nombreuses associations et d'administrateurs ou administratrices proposent la création de comptes, il suffit de choisir en fonction de vos intérêt : la musique, le vélo, la lutte LGBTQI+, l'esprit de gauche, l'écologie, le numérique, le tricot…
➡️ Trouver une instance
➡️ Un guide rapide de Mastodon
Si vous penchez trop à droite (#facho), il existe des instances souvent bloquées : ainsi les messages et les utilisateurs et utilisatrices ne seront pas visibles. Pour en revenir aux comportements toxiques sur Mastodon, il y en a, l'humanité reste fidèle à elle-même, mais le fonctionnement décentralisé permet de mieux les invibiliser et de laisser une modération plus fine reposer sur les règles posées par les administrateurs et administratrices de chaque instance. Ce système n'est pas parfait mais il semble plus juste que la difficile modération centralisée de Twitter.
À la découverte du Fédivers
Enfin, le clou du spectacle : Mastodon et ses nombreuses instances font partie d'un ensemble plus conséquent, un grand réseau de comptes interconnectés qui s'appelle le Fédivers. En reprenant l'analogie plus haute : et si depuis Facebook, on pouvait suivre un compte Twitter ou commenter une vidéo YouTube ? Dans le le Fédivers, c'est possible ! C'est ça la vraie liberté : dans ce multivers numérique, on peut microbloguer avec Mastodon et r éagir à des publications postées dans Friendica, des vidéos diffusées dans Peertube, ou commenter des photos dans Pixelfed…
Alors, oui, il y a moins de monde dans le Fédivers que sur Facebook ou Twitter mais croyez-moi, les gens y sont infiniment plus sympa, ouverts et curieux, et le nombre ne présume en rien de la qualité (relire le début de cet article si nécessaire). On retrouve la dimension humaine d'un réseau social : n'est-ce pas ce qu'on demande ?
Je termine ici cette longue diatribe pour inciter ceux et celles qui ont eu le courage de lire de lâcher Twitter… Il y a tellement mieux à explorer, à partager. Ne soyez pas bêtes à manger du foin, soyez éclairé·e·s.
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